Le bateau français Blue Observer a bouclé avec succès, jeudi 10 mars à Brest, son expédition inaugurale et ainsi prouvé qu’il est possible d’entreprendre des missions océanographiques d’envergure à la voile. Pendant 96 jours, l’équipage de six personnes mené par Eric Defert a parcouru plus de 17 500 milles. Tout au long du parcours, 95 flotteurs profilants Argo ont été déployés à des positions GPS prédéfinies.
Bilan de cette expédition océanographique à la voile, véritable défi scientifique, maritime et humain.
Une mission océanographique d’une ampleur inédite à la voile
C’est une mission océanographique d’une ampleur inédite à la voile qui s’est achevée il y a quelques jours. Parti le 14 novembre 2021 de Brest, le voilier Blue Observer est revenu dans le port breton le 10 mars 2022, après un périple de 17 500 milles ponctué d’escales à Woods Hole (Etats-Unis), à Sainte-Hélène et au Cap-Vert. L’équipage a donc navigué en Atlantique Nord et en Atlantique Sud, faisant face à des conditions météo variées qui n’ont jamais empêché le bon déroulé de l’expédition.
Les dates clés de l'expédition
Le départ : 14 novembre 2021
Brest – Woods Hole : 22 jours de mer (du 14 novembre au 6 décembre)
Woods Hole – Sainte-Hélène : 36 jours de mer (du 14 décembre au 19 janvier)
Sainte-Hélène – Cap-Vert : 25 jours de mer (du 28 janvier au 22 février)
Cap-Vert – Brest : 13 jours de mer (du 25 février au 10 mars)
Une réussite d'un point de vue scientifique
Au total, 95 flotteurs océanographiques Argo ont été déployés pour le compte des Etats-Unis, du Canada et de l’Europe (France, Allemagne, Pays-Bas sur cette mission), et tous fonctionnent à date.
Pour rappel, le réseau Argo vise à observer le plus finement possible les océans et à interpréter leurs modifications, à travers des mesures de température, de salinité et de courants. Grâce à cette première mission menée par Blue Observer, les scientifiques auront accès à davantage de données essentielles aux études sur les variations climatiques. Cela permettra de mieux comprendre l’océan, et donc d’être en mesure de mieux le protéger. Ces données permettront aussi d’alimenter les modèles de prévisions météorologiques.
Les autres missions menées pendant l'expédition
La microbiologie
Dans le cadre de l’étude des gènes de résistance aux antibiotiques, des aérosols marins ont été prélevés entre Brest et Woods Hole pour l’Université de Laval (Canada) en collaboration avec l’Institut de Chimie de Clermont Ferrand, le CNRS, l’Université de Clermont Auvergne.
- 15 prélèvements aérosols réalisés pour l’Institut de Chimie de Clermont Ferrand
- 33 pour le compte de l’Université de Laval (Canada)
L’objectif : étudier la dispersion et la répartition des gènes de résistance aux antibiotiques dans les bactéries dans les zones reculées de l’Atlantique.
Des échantillons ont été prélevés en collaboration avec la Station Biologique de Roscoff dans le cadre du développement d’un projet d’innovation responsable soutenu par la Région Bretagne. L’objet de l’étude est la caractérisation de la diversité biologique d’échantillons d’eau de mer et d’aérosols marins et le potentiel de valorisation en bien-être, nutrition, santé.
- 31 échantillons aquatiques prélevés
- 27 prélèvements aérosols
Ces prélèvements ont été mis en culture à bord pour identifier les espèces présentes, l’objectif étant de constituer une souchothèque de micro-organismes marins sur la totalité de l’expédition.
L’observation de grands cétacés
Au cours l’expédition, Blue Observer a collaboré avec le Woods Hole Oceanographic Institution pour mener des observations de grands cétacés. Chaque observation a été minutieusement décrite et les données transmises aux scientifiques en charge des études sur les mammifères marins.
Des observations pour Météo France
Météo France (Programme VOS : Voluntary Observing Ship). Des observations quotidiennes ont été menées : pression atmosphérique, température de l’air et de la mer, état de la mer (distance entre les vagues, la hauteur des vagues), observations du ciel (types de nuages, hauteur, pourcentage de couverture nuageuse). Ces données rentrent dans les algorithmes et permettent d’affiner les modèles météorologiques.
Une mission de prises de données pour le LOPS
Cette étude à pour objet de mesurer les paramètres physiques des couches de surface. Un thermosalinographe du LOPS était à bord (Laboratoire d’Océanographie Physique et Spatiale). Il avait pour fonction de mesurer en continu la température et la salinité. Ces données rentrent dans une base de données qui sert à l’océanographie physique et valident les données de mesure des satellites notamment.
La validation du concept du déploiement à la voile, une première mondiale !
Blue Observer est le tout premier voilier à déployer des instruments à cette échelle. Ce projet rondement mené marque donc un tournant, le début d’une nouvelle ère. Les marins embarqués ont prouvé que des expéditions scientifiques d’envergure peuvent parfaitement être effectuées à la voile, dans une logique de sobriété économique et énergétique.
Eric Defert se dit très satisfait du bateau choisi pour mener cette expédition, l’ex Adrien de Jean-Luc Van Den Heede.
Un équipage soudé jusqu'au bout
Mener pendant 96 jours de mer un équipage de six personnes (composé de marins, de scientifiques et d’ingénieurs) dans des conditions spartiates a été un vrai défi humain. Initialement conçu pour naviguer en solitaire, l’ex Adrien est un voilier étroit au confort rudimentaire.
Blue Observer continue
Partager nos apprentissages
Désormais, l’objectif pour Blue Observer est de continuer à progresser et de développer cette innovation d’usage. Cela afin d’être un maillon de création de valeurs et de facilitation pour les acteurs scientifiques et les entreprises voulant inscrire la compréhension et la protection de l’océan dans leur trajectoire. Deux missions sont déjà à l’étude : l’observation des cétacés et la poursuite des missions de microbiologie pour compléter la souchothèque.
La science océanographique dispose malheureusement de peu de fonds publics comparé à l’importance du défi que représente la compréhension de l’Océan. À travers ses actions, Blue Observer souhaite sensibiliser le secteur privé pour qu’il s’engage ou finance les études océanographiques à la voile.
Les chiffres clés de l'expédition
17 500 milles nautiques parcourus
96 jours de mer
7,5 noeuds de vitesse moyenne
550 litres de gasoil consommés sur la mission flotteurs
700 litres de gasoil au total (retour Brest)
95 flotteurs déployés
2,5 tonnes : le poids total des flotteurs
106 prélèvements microbiologiques
6 personnes embarquées
3 escales, 6 passages de l’équateur, 4 dépressions
Crédits photos : ©Blue Observer – Baptiste Langlois Meurinne